A la recherche d’un regard photographique personnel à Rome

Il y a trois semaines, je rentrais d’un workshop de 5 jours à Rome avec le couple Alex Webb et Rebecca Norris Webb, organisé par RVM Hub et intitulé « Finding your Vision » (que l’on pourrait traduire par : trouver sa voie, son regard photographique).

Pourquoi me suis-je inscrit à ce workshop ? Les raisons sont diverses.

D’abord et surtout, après 25 ans à travailler en tant que photographe professionnel, je me sentais un peu perdu. J’avais besoin de rallumer la flamme, de retrouver l’étincelle qui m’avait la première fois amené à voir le monde à travers le prisme d’un objectif. Ai-je encore quelque chose de pertinent à exprimer par la photographie ? Comment développer ce regard ? Y -a- t’il un moyen de continuer à gagner sa vie grâce à cela ?

Il faut dire aussi que je suis le travail d’Alex Webb, photographe chez Magnum Photos depuis le début de ma carrière. Son premier livre  Hot light / Half-Made Worlds  a été l’une de mes premières acquisitions. Sa magnifique photo de couverture était hypnotique. Il est devenu une référence en photographie couleur pour moi.

Grenada, 1979. © Alex Webb
Grenada, 1979. © Alex Webb

Ensuite, il y a deux ans, au Centre de la Photographie à Londres, je suis tombé par hasard sur le livre d’Alex et Rebecca : « On Street Photography and the Poetic Image ».  Pratiquant la photo de rue depuis très longtemps, j’ai trouvé le format en partie éducatif de ce livre intriguant. Je l’ai parcouru dans la librairie et acheté immédiatement. Il était simple, accessible, et en même temps assez profond ! Nombre de ses images et textes résonnaient avec mes propres convictions sur la photographie.

Enfin, j’ai visité Rome pour la première fois au printemps 2015 alors que je réalisais un travail de commande en accompagnant un groupe d’étudiants américains. La ville m’avait captivé : le mélange d’ancien et de moderne, de religion et de laïcité, la lumière et les ombres. Je me suis juré de revenir pour poursuivre mes explorations visuelles.

Je suis arrivé dans la capitale italienne dans l’après midi du samedi 25 mars, quelques jours avant le lancement officiel du workshop, pour avoir le temps de m’installer et prendre mes marques. Une heure à peine après l’atterrissage, j’étais dans le métro et dehors dans la rue. Les couleurs et l’atmosphère de la Ville Eternelle, baignée d’une merveilleuse lumière de printemps, m’ont immédiatement stimulé.

Pyramide metro station Rome-photo Tim FoxWoman with stick, street art graffiti, street photo Rome-Tim Fox

Une fois dans le vif du workshop, la pression inconsciente d’amener son travail à un autre niveau, de repousser un peu plus loin ses propres limites, s’était installée. J’ai toujours pensé que mes images étaient assez simples, car j’ai tendance à me concentrer sur un ou deux éléments. En présence d’Alex Webb, le maître des compositions complexes sur plusieurs plans et de la tension photographique, j’ai ressenti l’urgence de m’approcher un plus près des sujets, de vraiment remplir mon cadre. Si seulement je pouvais prendre ne serait ce qu’une image proche de ce classique de Webb à Haiti (lui même admet en être fan !) alors je pourrais mourrir tranquille et aller au paradis de la photo en homme heureux !

Haiti 1986. © Alex Webb
Haiti 1986. © Alex Webb

En réalité, j’ai bien été plus audacieux, réussissant à photographier les gens juste sous leur nez sans trop me sentir intrusif, ou avoir peur de leurs réactions. La photo la plus impressionnante est probablement cette image des nonnes attendant leur bus. La jeune femme aux lunettes de soleil au premier plan aide vraiment à rendre l’image plus interessante en lui donnant de la profondeur.

Ce n’est pas une image à la Webb toute en lignes, en angles et en tension mais l’image est plus animée et légèrement plus compliquée que d’habitude, c’est pourquoi j’étais content du résultat.Nuns-Roman Street-Tim Fox

Cependant , cette image est un peu une exception, et je suis rapidement revenu à des images plus reposantes, plus douces.

Alex et Rebecca m’avait au tout début gentiment complimenté sur mon travail (le premier matin avait lieu une présentation des mini portfolio de chacun). Ils avaient défini mon style comme étant « cocasse ». De plus, j’avais exprimé l’importance du travail de Tony Ray-Jones et d’Elliot Erwitt parmi mes premières influences photographiques. Lorsqu’est venu le moment du choix final des images prises pendant le workshop, c’est donc ce « regard » que j’ai ré-affirmé, un monde de couleurs vives mais plein d’esprit. J’ai aussi découvert que j’avais une forte tendance à composer verticalement. C’est ma façon d’interpréter l’espace et d’apporter de l’humour et de l’intrigue à une situation autrement banale.Boy reaching for oranges-Rome-street photgraphy Tim FoxStreet theatre-humour-colour street photography Tim Fox RomePonte Sisto-Rome-street photo Tim FoxWaiter and shadow by Colisseum-street photo Tim FoxGesticulating by Trevi fountain-street photo Tim FoxWoman balancing on horse reins-street photo Tim FoxPonte Sant'Angelo_Rome_street photo Tim FoxMan in hat against yellow wall -Rome-street photographer Tim Fox

Alors, qu’est ce que j’ai appris de ce workshop ?

Avant tout j’ai appris qu’il n’y a rien de mieux, lorsqu’on s’est lancé dans une recherche créative/ artistique, que d’être complètement livré à soi même sans aucune responsabilité en tête. Le privilège de simplement photographier une semaine entière dans un environnement stimulant était merveilleux, et m’a permis d’être plus détendu et moins guidé par une attente de résultat. Alex et Rebecca sont de grands partisans d’une approche intuitive de la photographie, en particulier lorsqu’il s’agit de la rue. Trop d’idées pré-conçues empêchent une production photographique qui fait sens. Il faut être émotionnellement connecté au moment présent et être prêt à se laisser aller. Je suis convaincu que mes meilleures images relèvaient presque de la chance, lorsque je m’y attendais le moins. Dans un sens presque spirituel, j’étais dans de bonnes dispositions mentalement pour capter la spontanéité et l’imprévisibilité de la vie de tous les jours. D’un point de vue plus technique, j’ai découvert (ou plutôt confirmé) que travailler avec un seul appareil (Nikon D750) et une seule focale (35mm F2) allège et libère énormément le processus photographique. À la fin de la semaine, les regards s’étaient parfaitement accordés : capable d’anticiper plus rapidement, de créer des images dans son esprit. L’appareil devient vraiment une extension de l’oeil.

Natalie and Eric's Wedding

Lorsque j’ai réalisé au début que nous étions 17 participants pour le workshop j’ai été un peu déçu. J’ai cru que peut être ce n’était que commercial et qu’il n’y aurait pas d’aide personnalisée. Pourtant, l’enseignement d’Alex et Rebecca, leur enthousiasme débordant pour tout type de photographie, et leur désir de transmettre leur savoir ont rapidement pris le dessus. De plus la taille du groupe au fil de la semaine est vraiment devenue un atout. Nous étions vraiment proche et dans le partage d’expérience. Dans cette ère digitale où les réseaux sociaux dominent, c’était une belle opportunité d’avoir de vrais contacts et de créer des liens. La touche internationale du groupe, avec une telle diversité en âges et en bagages (une mannequin d’Argentine qui travaille à Paris, un ex musicien américain qui vit à New Delhi, entre autres…) a favorisé une vrai camaraderie, sans ego. Moi même, né et élevé en Grande Bretagne, fils de juifs réfugiés autrichien/allemand, et vivant aujourd’hui en France, je me suis senti complètement à l’aise dans cet environnement. Je crois que nous autre les photographes, nous ressentons souvent cela : nous appartenons peut être à un endroit, mais nous nous sentons toujours un peu l’étranger.

J’ai passé 8 jours à Rome qui m’ont couté tout compris (voyage, transport, logement) pas loin de trois mille euros. Est ce que ça les valait ? Je ne répondrai pas à cette question parce qu’on ne peut pas mettre un prix sur ces expériences d’une vie. Je dirai simplement que je suis rentré meilleur photographe, dans la mesure où j’ai plus confiance en mes capacités, et je sais mieux où je vais. Merci Alex et Rebecca pour m’avoir aidé à trouver ma voie. J’espère qu’un jour nos chemins se croiseront à nouveau.

Alex & Rebecca workshop presentation

 

 

 

 

 

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