Faire la paire

Cet article est le premier d’une série que je vais publier pour évoquer mon approche et mon expérience personnelle de la photo de rue. Le genre étant vaste et dénué de règles fixes, il est assez simple d’observer son propre travail et celui de certains photographes de renom pour en déduire s’il existe malgré tout des concepts récurrents, des thèmes qui influencent ce que nous cherchons d’instinct lorsque nous partons dans la rue.

La photo des jumelles de Diane Arbus, prise dans le New Jersey en 1967, est devenue culte à juste titre. Elle est caractéristique de son style, avec un regard direct vers l’objectif, la proximité du sujet, et un art de la composition simple et puissant. Cette image capte d’office le regard – on ne peut s’empêcher d’être hypnotisé par sa force. Nous sommes irrésistiblement attirés par le fait que ces deux petites filles se ressemblent à ce point, non seulement dans leur physique et leur tenue, mais aussi par la façon dont elles se tiennent. Il demeure toutefois de subtiles différences. Et c’est justement cette tension entre la ressemblance et les différences qui est frappante. Les œuvres d’Arbus sont reconnues pour la gêne, le malaise qu’elles engendrent chez le spectateur ; l’empathie et la cruauté, la tragédie et la comédie s’y trouvent en effet étroitement mêlées. Les deux femmes photographiées en maillots de bain identiques à Coney Island représentent une autre forme de perfection du genre.

Identical Twins, New Jersey, © Diane Arbus 1967

Coney Island, © Diane Arbus 1967

Sans chercher directement à m’inspirer de l’œuvre d’Arbus, j’avoue que, consciemment ou non, mon regard est souvent attiré par ce que j’appellerai un « jeu de paires ». Il y a une certaine fascination dans le fait de photographier deux personnes habillées de la même manière, ou même qui tiennent simplement des objets identiques. Je n’oserais naturellement pas prétendre que mes photos de rue possèdent la même profondeur et la même intensité que celles d’Arbus. Pour moi, il s’agit surtout de saisir avec humour ces scènes où, pendant un bref instant, le monde nous offre une sorte d’effet miroir. D’un point de vue photographique, ce genre d’images est plaisant pour l’œil parce qu’il propose une certaine unité, souvent associée à une notion de symétrie. Dans un environnement urbain en mouvement constant, l’appareil permet de fixer des répétitions simples qui nous procurent un agréable sentiment d’ordre et d’équilibre.

Voici quelques exemples sur ce thème, pris dans les rues de Nantes, la ville où je vis.

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