Visages cachés

Lorsque j’anime des ateliers, la plupart des participants sont curieux de connaître la meilleure façon de photographier des inconnus dans la rue. Je veux dire par là, sans se faire remarquer, ou sans se faire insulter voire agresser !

La citation de Capa est connue : « Si la photo n’est pas bonne, c’est que vous n’êtes pas assez près ». Il est certainement vrai que si vous cherchez à saisir les expressions des gens, il faut généralement se trouver assez près du sujet. On peut certes faire un bon portrait avec un téléobjectif, mais la proximité physique ainsi qu’une bonne perception du contexte sont indispensables pour saisir un instant où une personne interagit avec l’environnement urbain, qui ait suffisamment de sens et de force photographique.

L’expérience m’a appris qu’il n’existait pas de formule magique ; certains jours, on se sent à la hauteur du défi, et d’autres, on esquive. En général, je conseille d’adopter une attitude ouverte et souriante, afin que vos « victimes photographiques » se sentent moins agressées. J’ai également pu constater que, depuis des années et de manière assez signifiante, j’ai pris l’habitude de photographier les gens en évitant toute impression de confrontation directe. Il s’agit là d’observer la façon dont les personnes s’expriment physiquement dans l’espace public, sans concentrer mon regard sur les expressions faciales. J’aime être assez proche, mais en même temps, je m’efforce et mets un point d’honneur à ne pas envahir frontalement le sentiment d’identité d’une personne.

Prenons l’exemple de l’homme sikh que j’ai photographié à Trafalgar Square sur les deux photos suivantes.

J’ai immédiatement été captivé par son turban rose vif (inhabituel pour moi), et je l’ai suivi pendant un moment. J’ai facilement pu l’approcher, car l’homme était très affairé à faire le touriste avec son caméscope. J’étais relativement satisfait du premier cliché ci-dessus en termes de composition et de couleur, mais ce n’est que lorsqu’il s’est retourné en me tournant le dos que l’image espérée s’est révélée et que tous les éléments se sont assemblés. Il est vrai que j’étais un peu sous l’influence de Martin Parr à cette période, et je présume que cette photo, où j’ai utilisé le flash fill-in, ressemble assez à son style kitsch d’humour visuel.

Cet exemple m’a appris qu’il faut s’adapter à la situation où l’on se trouve et que, souvent, la photo la plus intéressante ou la plus originale ne sera pas celle où l’on photographie quelqu’un de face – même si j’adore également le travail de Bruce Gilden –, mais plutôt celle qui offrira un rendu plus subtil de la scène, où les personnes se mêlent au décor. J’ai appelé cette série Visages cachés ; elle montre les différentes techniques que j’ai employées pour photographier des gens de près, sans révéler pour autant leur identité.

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